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    • Ne faut-il pas imaginer de nouvelles formes, une façon de sociologiser dans et par la narration ?
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Atelier : En quoi ça me parle ?

par Collectif
le 18 décembre 2023

Atelier du 18 décembre 2023 : En quoi ça me parle ?

Le lundi 18 décembre à 13 h, par un temps gris, voire pluvieux, mais confortablement installé·e·s chez nous, nous nous sommes retrouvé·e·s en visioconférence pour répondre à une question : « En quoi ça me parle ? ». Voici les règles du jeu :

1 – Choisir un document sur le site de l’Atelier, une photo, un texte, une vidéo, une BD, etc. http://sociologie-narrative.lcsp.univ-paris-diderot.fr/
2 – Envoyer votre choix au groupe d’ici le 4 décembre pour que les autres puissent en prendre connaissance avant la rencontre et nourrir l’échange.
3 – Le 18 décembre, présenter oralement en 10 minutes ce que dit, pour vous, ce matériau, en quoi il vous parle.
4 – A l’issue de cet exposé, un échange aura lieu avec l’ensemble des personnes présentes, vous pouvez bien sûr choisir un document dont l’auteur/l’autrice est présent·e le 18 décembre, cela permettra également d’aborder les pratiques d’écriture.

Jean-François Laé ouvre le bal en nous présentant le texte de Cédric Frétigné, « Apprendre des « erreurs de cadre », le sociologue face à ses bourdes ». Un prétexte pour aborder nos ratés d’enquête, les informations que nous n’arrivons pas à glaner, un échange qui ne se poursuit pas, un pot de fleur en cadeau qui déçoit, « on aurait plutôt dû amener des bonbons tu penses ? ». Mais les ratés, sont-ils vraiment des ratés ? L’une d’entre nous est surprise et interroge ce mot « raté ». Cela pose également la question de la forme de nos enquêtes et de nos méthodes, entre l’entretien formel et informel. Quelles sont les ficelles qui nous permettent d’entrer dans des relations d’enquête qui puissent durer ?

D’ailleurs les relations d’enquête qui durent, nous les retrouverons quand William Kelleher nous parle du « Retour au quartier » de Michel Peraldi et de Marseille, terre d’accueil, ville étonnante. Un très beau texte nous dit-il avec des quelques notes de bas de page qui proposent des références précises, un écrit introspectif d’un sociologue qui retourne sur un lieu d’enquête, rencontrer Y., N. et les autres. Des noms apparaissent dans la discussion : Philippe Bourgois et Victor Turner. De la nécessité de faire parler les participant·e·s de l’enquête, pour la multiplicité des points de vue, pour la prise de risques, pour le contraste.

Déplacer le point de vue, c’est ce que nous a proposé Aude Rabaud en choisissant de nous parler du texte « Offrir des fleurs » de Fabien Deshayes et Jean-François Laé, dans lequel ils imaginent ce que pensent et font ces hommes qui tiennent ces fleurs entre leurs mains. Pour nous dire en quoi ça lui parle, Aude nous propose une réécriture, ici ce ne sont pas les hommes qui sont sur le point d’offrir des fleurs, mais ceux à qui des fleurs ont été offertes, cadeaux qu’ils tiennent parfois timidement dans leurs mains, ces mains qui fleurissent. Cette réécriture est l’occasion de parler de ce que nous voyons sur les photos, de ce que nous pouvons en dire, quand les détails et les indices sont de moins en moins perceptibles au fil des générations.

Quelque part la question de la mémoire, chère à Laurent Aucher, qui nous a parlé d’un texte qui nous rappelle à la période du COVID et ses conséquences pour une travailleuse « non-essentielle » comme il était dit. « Le printemps vacille » écrit par Emmanuelle permet d’introduire la question de la prise d’écriture, par qui et comment ? Laurent nous parle du processus de publication, dans un échange constant avec Emmanuelle, non sans friction/désaccord. Aujourd’hui elle nous pose la question : le travail de relecture est-il parfois un filtre social ?

C’est la question de la forme que pose également Claudia Girola à travers le texte « Les rideaux » de Sophie Hellégouarch. Elle voit ce qui est raconté, non pas à travers les mots, mais à travers les sons. Elle peut sentir ce rideau passer devant son visage et lui donne presque envie de traverser le texte pour attraper cet objet pour le tirer ou le retirer. Elle met en avant le rôle des sonorités et de la musicalité dans l’écrit, quand, à travers la lecture à voix haute, l’écriture devient oralité. Forme influencée par des formes littéraires, telle la poésie.

En parlant de littérature, le conte est un puissant vecteur d’imaginaires, encore faut-il les partager avec le narrateur ou la narratice. C’est ce décalage que nous raconte Nataly Camacho avec beaucoup d’humour concernant le texte « Autofiction : le magicien et la sorcière ». Un décalage en particulier autour des figures du magicien et de la sorcière qu’elle n’imaginait pas accoler à des enseignant·e·s. Ne sont-ce pourtant pas des figures imaginaires importantes de l’enfance ? Peut-être, sûrement des imaginaires européens, qui ne correspondent pas aux mythes colombiens qui ont bercé l’enfance de la lectrice.

Nous continuons notre voyage autour du texte de Mélanie Duclos « Au départ je ne voulais pas partir » et de la photographie de Miriam Bovi qui l’accompagne. Ici, on observe tout d’abord un échange entre le texte et l’image, comme ce dialogue qu’est le récit originel entre deux personnes, entre Mélanie et Adam. Une discussion qui se poursuit avec Miriam Bovi qui a choisi ce texte pour sa simplicité et l’empathie qu’il dégage, qui motive aussi l’écriture de sa thèse. Entre contextes socio-politiques et récits biographiques, comme le propose également Fatouma Hane, dont la photographie a déclenché l’écriture. Elle imagine un récit autour de cette pirogue, objet du quotidien, outil de travail, qui devient le mode de déplacement pour traverser les mers, ces embarcations devenues symboles de l’exil et de ses dangers.

Beaucoup d’émotions ressortent de cet échange, mais que faisons-nous avec celles-ci ? C’est la question posée par Sophie Hellégouarch quand elle présente le texte de Morgane Marc, « Rage de meuf ». Un récit en deux parties, une observation qui reprend les dialogues tel quel entre elle et des clients de la boulangerie où elle travaille, puis une partie plus réflexive où elle interroge ce qu’il est possible d’évoquer dans un texte académique, que fait-on des émotions, de la subjectivité, est-ce un à-côté de la sociologie ?

Des questionnements, c’est par là que termine Numa Murard avec « Saisir et dire les manques », de Sophie Hellégouarch. Comment construire la narration avec des bribes, quel fil tient les morceaux ensemble et est-ce qu’on s’autorise à combler les trous ? C’est aussi l’imagination qui peut être le moteur de l’enquête. Finalement, dans nos écrits, nous parlons peu de ce que nous ne savons pas. Est-ce qu’il faut forcément combler les manques ? Dans tous les cas, prendre la liberté de s’interroger, de poser des questions sans avoir forcément les réponses.

L’Atelier de sociologie narrative