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Pour établir la possibilité d’une sociologie narrative, il nous faut inscrire notre projet au point de rupture de la tradition, car dans le moment même où les pères fondateurs des sciences sociales fournissaient les armes qui donneraient un atout décisif à la conciliation du progrès humain avec le progrès technologique, ils rejetaient dans le domaine du divertissement, de la fiction, les écrivains, les conteurs, les romanciers, les reporters qui les avaient précédés, et de loin, dans la description et l’analyse du social.
Or cette divergence des sciences sociales et de la littérature, qui fut la rançon du progrès, c’est aujourd’hui que nous en payons le prix, dans la déshérence de la discipline, rabaissée, au choix, au rang d’un auxiliaire de la gouvernance étatique ou entrepreneuriale, d’une matière scolaire et universitaire, d’un essayisme de mauvais aloi, désertée par une grande partie de l’opinion n’y voyant plus que fausses explications ou piètres excuses pour des comportements amoraux et asociaux, tandis que s’élèvent de toutes parts, de l’intérieur de la discipline, des appels à un renouvellement, à l’émergence d’une sociologie populaire ou publique.
Mais que peut le récit ? Déplacer les points de vue.
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Faire grand cas : une singulière proposition
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Désireux de faire grand cas de l’enquête et des enquêtés, le sociologue peut s’inspirer de deux grands domaines de la connaissance, la médecine clinique, d’une part, et la littérature, d’autre part. Il en résulte une inversion des valeurs : au lieu que le cas soit le moyen, démonstratif ou illustratif, de fonder ou de consolider une proposition scientifique, hypothèse ou thèse, c’est la science qui devient le moyen d’une restitution de l’expérience sociale en ce qu’elle a de radicalement actuel.
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La sociologie narrative, un opérateur de compréhension
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J’ai découvert le site sociologie narrative en 2021, à la suite de discussions avec mon directeur de thèse, Fabrice Fernandez, à l’Université Laval (Québec). Ce fût une rencontre. Un étonnement. Et une incitation pour mon doctorat à mettre « en pelote » les théories qui bordent ce projet d’exposer autrement la vie quotidienne des anonymes. J’ai trouvé dans les diverses théorisations du récit en sciences sociales un solide ancrage pour ma thèse.
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Fendre le banal
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Une fois par semaine je vais au tribunal de Paris. Je prends des notes et je me dis que le banal est explosif si l’on y prête attention. Le banal, ce qui ne se voit pas dit l’ami Perec. L’insignifiant, si vous y prêtez du temps, se déchire lentement à la vue. L’insignifiant se tient là où il n’y a pas de discours, retiré sous l’herbe. Ce voyage s’arrête au 30 octobre pour la raison que vous savez.
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Essai de sociologie narrative
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Qui aurait pu s’intituler : essai d’ethnographie ironique. "Tu fais quoi dans la vie ? - Une thèse en anthropologie. - Ha, t’étudies des tribus ? - Non, je travaille sur le quartier Simonin, dans le dix-huitième arrondissement. - Je viens d’emménager juste à côté ! C’est vraiment trop cool le dix-huitième, ça donne l’impression de voyager. Tu connais le Compost ? C’est super stylé comme endroit, en plus la bouffe est bio, local, tout ça". Sur le modèle de cet extrait, le dix-huitième arrondissement est décrit comme donnant « l’impression de voyager ». Face à des populations dîtes « précaires » et « issues de l’immigration », ces nouveaux habitants manifesteraient une sorte de fascination pour le populaire et l’étranger. Se pourrait-il, qu’à mon tour, je fasse un terrain « exotique » ? Ces remarques ne sont en tout cas pas sans rappeler les origines coloniales de ma discipline.
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Faire connaissance(s). Pour une curiosité d’utilité publique
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« L’idée d’un art populaire [...] me semblait ridicule. S’il s’agissait de le rendre accessible au peuple, en sacrifiant les raffinements de la forme, "bons pour des oisifs", j’avais assez fréquenté les gens du monde pour savoir que ce sont eux les véritables illettrés et non les ouvriers électriciens. »
Marcel Proust
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Publié dans Sociologie narrative ?
par Leonor Canales, Annick Madec, Sylvie Monchatre & Pinar Selek
13 octobre 2018
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Pour en finir avec la question de la théorie
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A chaque fois que nous sommes invités à parler de la sociologie narrative, la même question revient : quelle théorie défendons-nous ? Je considère tout d’abord la question comme un symptôme du fétichisme...
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La possibilité d’une sociologie narrative
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Depuis longtemps, nous cherchons et produisons des formes pour partager différentes expériences sociales et différentes perceptions du social. Car la perception précède la conception, le percept précède le concept, et même s’ils s’enchaînent mutuellement, en un cercle, ce cercle (le cercle herméneutique) n’est pas un cercle fermé...
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Comment rendre la sociologie publique ?
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Sur ce thème Sylvie Monchâtre et Pinar Selek organisaient le 27 mai 2016 une journée d’études à l’Université de Strasbourg. On trouvera ici leur texte de présentation des interventions et débats sous la forme d’un dialogue entre les deux chercheuses qui s’interrogent : comment faire une sociologie « d’utilité publique » - pour reprendre l’expression d’Annick Madec ? N’oublions pas que « publier », c’est oeuvrer pour le bien public. Cette question est politique… si l’on accepte de considérer que réfléchir à la manière d’« oeuvrer pour le bien public » constitue une question politique...
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